Toutes les filles s’appellent Carole : OK Carole, de Bijou, avril 1978

OK-Carole

 

En avril 1978 déboule OK Carole. Un peu anxieux, on étudie de près la galette, on regarde les jambes parfaites de Brenda Jackson (on ne connaîtra la propriétaire de ces gambettes qu’après coup, l’explication tient au fait que c’est à l’époque la petite amie de Jean-William Thoury… ), mises en valeur par la photographie de Mondino. Un peu anxieux, on pose le diamant sur le vinyle… Un peu anxieux, parce qu’on a adoré Danse avec moi, paru moins d’une année auparavant et qu’on craint que son successeur ne soit pas à la hauteur. Mais tout de suite, plus rassurant encore que de voir se préparer Michel Platini enrouler un coup franc face à Van Breukelen) déboulent les accords introductifs de OK Carole, le morceau éponyme. Vincent Palmer est en forme olympique, Dynamite martèle ses fûts avec un beat soutenu et la basse de Dauga vrombit comme une escadrille de Spitfire prête à décimer les batteries allemandes. Et ces paroles, qui confirment la verve de Jean-William Thoury : Puisque quand on se quitte/ J’ai ‘impression de croire en Dieu/ Et que l’amour après tout/ C’est peut-être ça/

https://youtu.be/-_npbPzzSFM

OK Carole, on s’aime toi et moi ! Déjà un hymne ! Alors non, ce disque ne sera pas celui du déclin (comme dirait Bertrand !). Dynamite embraie au chant (pas si fréquents, les morceaux chantés par le batteur) avec un morceau enlevé, pour lequel Thoury a concocté des paroles aux références plus explicites qu’à l’accoutumée, au caractère adulte(re ?) évident. J’ai un souvenir précis de rocks dansés dans les boums en 1978-79 sur Sidonie, ça bougeait bien. Ce deuxième morceau confirme que le son est plus compact que pour Danse avec moi, plus rentre-dedans, sans que le trio ait rien perdu de sa finesse. Tout y est, un peu de réverb’ dans le solo de Palmer, les chœurs, un final endiablé et un foud’ foud’ foud’ magique en fade…

https://youtu.be/BKVtie-KHlg

Décide-toi est dans la même veine (celle des chercheurs d’or, of course !) avec une rythmique de chez Creusot-Loire (Dynamite et Dauga, toujours), et l’impérieuse nécessité de rocker de Palmer, dont on sent l’hyperactivité à chaque intervention. Méfiez-vous les gars, vous risquez de prendre un coup de manche de Stratocaster dans le dos à tout instant ! Le tout servi par des chœurs et une fin impeccables, pas si courant dans le rock.

https://youtu.be/f4ggtNKbDCc

Le tempo accélère encore (si ! si !!!) avec Art Majeur dont l’urgence saute aux oreilles, mais s’il faut avouer que certaines paroles peuvent nous échapper (Son Vénus est en pleurs ? en fleurs ?), cet Art Majeur ne fait que souligner la maîtrise d’Utrillo (ha ! ha !) même si avec Jean-William ils étaient quatre.

https://youtu.be/A6xO8r38ibQ

Survient le premier instrumental de l’album, le tout à fait honorable Survie à Varsovie. Peut-être un des titres les moins indispensable de l’album, mais un peu indispensable de Bijou ferait sans aucun doute office de joyau chez un paquet de groupes qui leurs sont contemporains.

https://youtu.be/vAy8eQBbli0

Peut-être ce morceau n’est-il placé ici que pour mieux mettre en valeur Les Papillons noirs, un obscur titre écrit par Serge Gainsbourg en 1966 pour Michèle Arnaud. Les quatre garçons se sont mis en tête de le reprendre et de solliciter le beau Serge pour qu’il sorte de la semi-retraite dans laquelle il s’était terré depuis l’échec commercial de L’homme à tête de chou.

https://youtu.be/ciTVKm0XSqs

L’obstination des jeunes gars séduit Gainsbarre, qui vient faire les chœurs sur la version studio. Et en tournée, lorsque Bijou convainc Serge de remonter sur scène pour interpréter Les Papillons Noirs avec eux, le public lui envoie une telle ovation que l’homme aux Repetto et à la barbe de trois jours ira verser une petite larme d’émotion… Et sera séduit par l’idée de se remettre au travail et de reprendre les tournées (ce qu’il fera avec Aux armes et coetera… un an plus tard). Et puis il y a ce vers : De mille feux leurs pierreries…. C’était écrit pour être repris par des Bijou, non ?

https://youtu.be/JGHGzXXzCfU

La qualité du son tient sans doute au fait que le groupe s’est isolé durant plusieurs semaines dans une grande maison à la cambrousse en Haute Loire (pléonasme, non ?) et que l’isolement doit se transformer en isolation pour ne pas affoler les rares voisins. Dont acte, une quantité non négligeable de bottes de pailles vient orner les cloisons de la pièce d’enregistrement et confère au vinyle un son parfois supérieur à ce qui aurait pu être envisagé dans un studio professionnel.

La face A se conclut avec Pic à Glace, qui possède la particularité d’avoir été enregistré en mono de chaque côté, ce qui fait que quand le titre passe sur la platine, on ne comprend pas vraiment les paroles (sauf Pic à glace sur le refrain). Mais bon sang (qui ne saurait mentir d’ailleurs), quelle mélodie !!!

(Je connais) Ton numéro de téléphone, qui ouvre la face B nous plonge dans une ère délicieusement rétro (à mettre un doigt sur le cadran/ Et faire les 7 petits tourments/….. où les numéros de téléphone se composaient grâce à une rotation du cadran et comportaient 7 chiffres… Mais c’est bien là le seul indice de désuétude (supérieure, ha ha !) car pour le reste, le tempo qui balance et les paroles qui ambiancent restent bien d’actualité.

https://youtu.be/vrhGXcwv2u8

C’est le premier morceau de cette vidéo, mais of course, vous pouvez la mater en entier ! S’ensuivent deux morceaux ambigus siglés Palmer/Thoury, qui jouent avec les codes pour décrire l’univers sado-maso :  Je te tuerai (Si telle est vraiment ta volonté/Tu sais je te tuerai) et sans doute la schizophrénie  (interprétation toute personnelle de ma part, seul le parolier pourrait éclairer nous bougies  (terme préféré à lanterne car bougie c’est l’antistrophe – contrepèterie si vous préférez- de Bijou). Bref, ça balance toujours diablement et le rythme imposé à l’auditeur contraste à merveille avec le tranchant de certains propos.

https://youtu.be/3KM2GGM4R7g

Et ce Lundi matin ! Avec cet habile larsen de Palmer juste après « Ton corps mis en cage » !!!

https://youtu.be/W4E91r01Yps

Enchaîné (normal pour une description sado-maso) au deuxième instrumental de l’album (Lundi matin encore), celui-ci d’une précision diabolique qui laisse le champ libre (et le chant libre aussi… de ne pas intervenir) aux trois musiciens pour faire ce qu’ils savent le mieux faire : marteler, asséner, chorusser (créons ce néologisme)…  En réalité, si la basse de Dauga assure le tempo sans coup férir, si Dynamite est impérial et se permet quelques petits roulements du plus bel effet… en réalité, les deux complices de la section rythmique déroulent le tapis rouge pour que Palmer exhibe toute l’étendue de sa maestria,  de son incommensurable brio, de sa classe, grâce à des fulgurances qui lui permettent de changer de registre, de passer des aigus aux graves comme on tomberait de Charybde en Sylla (mais du bon côté de la force !)… Pas étonnant que ce type ait été sollicité par Link Wray, Cris Spedding et d’autres … Et ensuite, un petit a capella de derrière les fagots (ou les bottes de paille en l’occurrence, pour ceux qui ont suivi) : L’amitié, resté à tout jamais l’hymne de la Bande des trois, créée avec mes deux potes Oklahoma Ted et Pecos Bill en 1979 et qui reprenait du Bijou en air guitar et baril de lessive

Oh non, rien ne pourra effacer/ Ce qui nous unit/ Après tant et tant d’années/ Tant de joies, d’espoir/ Et de soirs de cafard/ Et la musique qui nous serrait les tripes/ Oh non rien ne pourra effacer/  Tout cela et tout faire oublier/ L’amitié…

Qui se conclut d’ailleurs par ces somptueuses répliques :

-Non, mais là j’crois qu’il y a matière

– A n’rien faire…

Quarante ans après, ça reste notre hymne. Hymne enchaîné (quelle évidence !) avec J’avais un ami, composé par Dynamite et chanté par Dauga, alors que les paroles de Jean William Thoury se livrent à clin d’œil non déguisé à l’homosexualité, ce qui en ces années 1970 ne tombe pas forcément sous le sens.  Avec ce refrain accrocheur et ce gimmick à la guitare, encore un hit en puissance… si les radios et les maisons de disque avaient été moins frileuses.

Et pour conclure, Non pas pour moi, apologie de la vie de rocker ou plutôt refus des convenances et du classique métro-boulot-dodo. Le tout sur le même type de tempo  rencontré tout au long du disque (si l’on excepte les deux respirations offertes par Les Papillons noirs et L’Amitié). Le morceau commence à 7’42’’. Il confirme que Dauga s’affirme comme un excellent chanteur, que Palmer personnifie toute l’urgence de Bijou, mais également celle de la scène punk, de la scène rock dans son ensemble et que le trio peut se reposer sur des fondations plus solides encore que celles de la Grande Muraille de Chine, en la personne de Dynamite.

https://youtu.be/vrhGXcwv2u8

OK Carole, l’album de la confirmation pour les hommes et femmes de peu de foi, qui avaient douté… Oui, Bijou a transformé l’essai de Danse avec moi.

Auteur : pecosjim

Fan de classic-rock... 60's, 70's... mais aussi de musique tout court. AIme célébrer les anniversaires des albums et disques mythiques (au moins dans mon Panthéon personnel)...

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